Mobilisation des affects

GERiiCO Séminaire
Salle du Collège de France,3 rue d'Ulm, 75005 Paris, Visioconférence possible

Titre : Mobilisation des affects

Intervenants :

  • Lou Blaster (Artiste et militante)
  • Frédéric Gros (Philosophe, IEP Paris)
  • Romain Huët (Maître de conférences en sciences de la communication à l'ISCC de l'Université de Rennes 2)

Résumé :

« La honte ! », cette locution est fréquemment employée pour dénoncer les politiques migratoires françaises et européennes : honte des camps-prisons dans les îles grecques, honte du harcèlement policier des exilé·es aux frontières ou dans les rues de Paris, honte des absurdités administratives du régime de Dublin qui cause de nombreuses souffrances psychiques pour les personnes exilées. Affect négatif, il se saisit des témoins qui le proclament dans l’espace public et médiatique dans un but d’infléchissement – trop rarement effectif – des décisions du gouvernement des migrations. Dans Les Naufragés et les rescapés, Primo Levi désigne une « honte du monde » qui a saisi dans l’après coup les survivant·es des camps d’extermination : c’est le sentiment d’avoir fait face à quelque chose d’irrévocable, que l’on n’a pas pu empêcher d’advenir (1989 [1986]). La honte apparaît en écho à un sentiment d’impuissance face à l’abjection d’une situation. Carlo Ginzburg s’appuie sur ce texte de Levi pour faire de la honte un sentiment d’appartenance nationale (2010) : on aurait honte pour son pays ou pour les institutions supposées nous représenter. Cette définition porte les possibles désidentifications à l’État de la part des honteux et honteuses, et donc une conflictualisation avec l’ordre politique (Rancière 1998).

Nous proposerons dans cette séance de voir la honte comme une force motrice des implications politiques. Comment des mobilisations peuvent se construire à partir de la mise en commun de cette passion triste ? Et à quel prix est-ce viable quand les motifs de la honte ne cessent de se répéter et de s’amplifier ? Si on peut construire ses hontes collectives, nous verrons aussi comment la joie peut être motrice et soutenir nos puissances d’agir (Spinoza 1993 [1677] : 138). L’entretien des espaces de joie permet notamment de tenir dans des mobilisations au long cours et de trouver du commun entre les personnes directement concernées par les politiques migratoires, et les soutiens. Elle permet de lutter enfin d’infléchir les tendances autoritaires et les injonctions à la pureté militante qui peuvent dévitaliser des espaces de lutte.

Coordinateur (s) : Léopoldine Manach, CEPED, ICM et Emilie Da Lage Geriico, U.de Lille, ICM

Contact : Emilie Da Lage

Informations complémentaires

Titre du cycle de séminaires : Politiques de l’exil : Politiques de mobilisation

Résumé du cycle de séminaires : En cette 11e année de ses travaux, le séminaire Non-lieux de l’exil poursuit son analyse et s’intéresse aux politiques de mobilisation.  Nous entendons « mobilisations »  dans toutes ses acceptions : mobilisations des acteurs exilés, des acteurs de la solidarité et de la recherche ;  mobilisations féministes et de genre ; mobilisations face à la violence et à la brutalité des politiques migratoires aux frontières comme dans la vie quotidienne, mobilisations sur les territoires et dans les diasporas notamment autour de la situation en Afghanistan ; mobilisations pour la justice – et juridicisation des mobilisations citoyennes, mobilisation des affects, mais aussi formes de démobilisation, en relation avec les politiques d’épuisement, de découragement ou de  déliaison ; mobilisation enfin pour renforcer le lien social entre recherche, associations et citoyens.

Cette thématique, évoquée aux ateliers du Briançonnais en mai 2021, se nourrit d’un sentiment d’urgence politique, partagé par différents acteurs déterminés à nourrir le débat public et l’action citoyenne en cette année électorale saturée par une instrumentalisation des peurs et des politiques de l’identité. Débattre des mobilisations, interroger les pratiques et les effets, produire des savoirs, des récits, participer à la compréhension de ces phénomènes s’impose comme fil conducteur d’un séminaire qui prend sa part à la tâche collective de lutte contre les discriminations envers l’étranger comme idéologie et projet politique.


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