Le journaliste patriote : la liberté de presse dans le contexte du terrorisme au Burkina Faso
GERiiCO Axe2 Séminaire d'axesTitre : Le journaliste patriote : la liberté de presse dans le contexte du terrorisme au Burkina Faso
Intervenant (s) : Habibou Fofana, enseignant chercheur à l’UFR des Sciences juridiques et politiques de l’Université de Ouaga II (Burkina Faso)
Contact : Bruno Raoul
Résumé : L’installation des attentats terroristes, dits « djihadistes », au Burkina Faso, depuis deux années, a graduellement suscité une controverse bien particulière sur la liberté de presse. Si cette liberté de presse, collectivement défendue par les journalistes, peut néanmoins se prêter à des interprétations divergentes au sein même de ce corps (son mode d’exercice étant constamment interrogé et discuté), les termes de la polémique nouvelle interrogent quant à ses enjeux dans un pays dont l’histoire, encore récente de la presse, révèle la difficile conquête du droit d’informer. De fait, l’argument des exigences de la sécurité publique semble obliger aujourd’hui les acteurs de l’information à reconsidérer et en mettre en débat le droit de l’information, et plus globalement la liberté de presse. De la publicité du mode de gestion de l’État, des actes et comportements des gouvernants, le centre des débats s’est progressivement déplacé vers des préoccupations qui réactivent la discussion sur la fonction sociale, le devoir et les limites du journaliste, et brouillent la ligne ordinaire de partage des protagonistes. C’est à la fois ce qui peut être dit, écrit et montré qui sont aujourd’hui réévalués à l’aune de la menace terroriste, faisant surgir la question de la « censure légitime ». Au sein des hommes de médias, des voix s’élèvent et exigent aujourd’hui du journaliste burkinabé qu’il ait pour priorité la défense de sa patrie « assiégée », « attaquée », « meurtrie ». Il ne doit pas « faire le jeu » des terroristes en faisant leur « publicité ». « L’inconscience professionnelle » serait un travail d’information sans discernement qui correspondrait à l’objectif recherché par ceux qui veulent faire parler d’eux, instaurer la terreur et occuper les esprits.Notre hypothèse de travail (appelée sans doute à être enrichie) est que la construction de cette figure nouvelle de l’homme de média, le « journaliste patriote », est révélatrice de certaines « fragilités » ou « vulnérabilités » de l’État burkinabé en tant que « communauté imaginée » (B. Anderson). Précisément, la censure révèle des lieux d’incertitude du vivre ensemble, non thématisés, ou renvoyés hors de la sphère de la publicité parce qu’estimés susceptibles de mettre en péril les assises de la communauté étatique. En tant que dispositifs de publicisation et de problématisation, les médias et les acteurs qui les animent deviennent alors un lieu privilégié d’observation de cette dynamique où se joue une délimitation du « dicible » public, supposée devoir être « consensuelle » (faire bloc contre les terroristes). Nous nous proposons alors de questionner le mode de légitimation de cette catégorie, les fractures et recompositions qu’elle dessine, ainsi que la logique de distribution des hommes de médias autour des pôles qu’elle constitue. Le matériau de notre analyse proviendra d’une enquête de terrain auprès des organes de presse et d’acteurs dont la recherche définira la pertinence.
Le chantier de recherche que nous ouvrons s’articule autour des axes suivants :
Quelles formes d’arbitrages déterminent-elles, au sein des organes de presse, le « procès de production de l’information » sur les sujets en rapport avec le terrorisme et la sécurité nationale ?
Comment se déterminent le « sensible », le publiable et le non publiable ?
Comment les engagements journalistiques « d’objectivité », de « vérité », « d’indépendance », « d’esprit critique », « d’impartialité », « d’équilibre » etc., sont-ils ajustés à ce contexte sécuritaire.
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