Projet Love leave - la France tu l'aimes mais tu la quittes

Projet Lille / MESHS Nord de France

Depuis la première controverse autour du « voile islamique » dans un collège de Creil (1989), de nombreux musulmans français se sont sentis pointés du doigt. Selon une idée désormais profondément enracinée, leur présence sur le sol français constituerait un défi à la laïcité française, de plus en plus comprise au sens d’interdiction du port de signes religieux dans l’espace public.

Titre : LOVE LEAVE - La France tu l'aimes mais tu la quittes

Durée : 1 an 

Date de début et fin : 2020-2021

Résumé :Depuis la première controverse autour du « voile islamique » dans un collège de Creil (1989), de nombreux musulmans français se sont sentis pointés du doigt. Selon une idée désormais profondément enracinée, leur présence sur le sol français constituerait un défi à la laïcité française, de plus en plus comprise au sens d’interdiction du port de signes religieux dans l’espace public.

Malgré le ressentiment racial inhérent à la campagne référendaire du Brexit, et même si de jeunes musulmans français ont tendance à idéaliser un multiculturalisme britannique souvent réifié, c’est un fait que des milliers de musulmans français se sont installés outre-Manche. Ce n’est pas seulement un marché du travail plus dynamique qui les attire, mais bien la possibilité offerte de vivre leur foi et leur identité musulmane avec plus de sérénité. Cette installation plus ou moins massive peut s’appréhender comme un brain-drain (ou conscience drain) d’un type particulier, qui demeure très largement inexploré à ce jour.

Le projet présenté ici souhaite également s’intéresser aux itinéraires individuels et collectifs de musulmans français installés en Belgique, aux Pays-Bas (souvent d’origine marocaine (Rif) dans les deux pays) et dans une moindre mesure en Allemagne (d’origine turque). Une des questions centrales est ici celle des crispations républicaines autour de la laïcité et la manière dont celles-ci ont conduit un certain nombre de citoyens français de confession musulmane à ce qui peut apparaître comme un « double exil » : exil des parents d’abord qui durent quitter l’Afrique du Nord, exil des enfants ou petits-enfants enfin, qui se trouvent en butte aux discriminations et à l’injonction de s’intégrer comprise au sens de s’assimiler.

Les entretiens semi-directifs envisagés avec une centaine de personnes dans les pays sélectionnés, une analyse de la mise en récit et du partage de leurs expériences d'expatriation via les réseaux sociaux numériques, devraient permettre d’affiner les problématiques suivantes : 1/ quelle est la part prise par les enjeux identitaires par rapport aux enjeux professionnels (i. e. pouvoir être « musulman visible » dans l’espace public vs. profiter d’un marché du travail dynamique ? ; 2/ Dans quelle mesure est-ce que les deux enjeux se juxtaposent (discrimination religieuse) ? ; 3/ Qu’en est-il des enjeux de genre (femmes qui portent un voile) ? ; 4/ Qu’apprend-t-on sur les origines de classe de ces Français musulmans ? La proximité géographique des pays choisis ne permet-elle pas aux moins « établis » de tenter leur chance ailleurs, quand cet « ailleurs » est à côté ? ; 5/ Dans quelle mesure est-ce que cette immigration limitrophe permet de demeurer « Français en pointillés », en conservant des liens avec la France ? 

Quels que soient les enseignements tirés sur la base des entretiens conduits par les membres de l’équipe, cette immigration presque inexplorée à ce jour dresse inévitablement les contours de ce que l’on peut appeler une citoyenneté européenne minoritaire et post-industrielle, qui peut s’envisager à l’aune d’autres citoyennetés européennes minoritaires ayant émergé depuis la fin de la guerre froide. Celle-ci est également à appréhender comme une normalité musulmane européenne, corollaire ethno-religieux des mouvements de populations intra-européens devenus banals au sein de l’UE. 

ContactEmilie Da Lage 

Partenariat : CERAPS, CECILLE