Portrait de Terrance Abbott
Doctorants
Depuis mon plus jeune âge, j’ai été porté par une envie irrépressible de transmettre et de partager ce qui me passionne. Cette énergie, combinée à une curiosité pour des domaines variés, m’a poussé à tracer un chemin où mes intérêts rencontrent ma volonté de rendre accessibles des savoirs parfois considérés comme marginaux.
Mon parcours a débuté avec un baccalauréat en STi2D (Sciences et Technologies de l'Industrie et du Développement Durable), une formation qui m’a sensibilisé aux enjeux productivistes et à la nécessité d’adopter des pratiques écoresponsables. Ce bagage technique m’a initié à la gestion de projets, au suivi rigoureux de cahiers des charges et à l’utilisation d’outils numériques, renforçant mes aptitudes d’autodidacte, une qualité essentielle que je continue de cultiver.
En quête d’une ouverture disciplinaire, j’ai poursuivi une première année en LLCER anglais (Langues, Littératures et Civilisations Étrangères et Régionales) à l’Université de Valenciennes. Cette étape a marqué mon entrée dans le monde académique et m’a permis d’explorer les dynamiques culturelles par le prisme des langues et des littératures. Cependant, en quête d’un cadre plus en phase avec mes passions et mes questionnements sociétaux, j’ai choisi de bifurquer vers une licence de sociologie et histoire, commencée à Dijon et achevée à Lille. Ce cursus m’a donné l’occasion d’acquérir des outils analytiques solides pour interroger les dynamiques sociales et historiques contemporaines, tout en posant les bases théoriques de mes recherches. Mon mémoire de fin de licence, consacré à la Drill, analysait comment ce sous-genre du Rap tente de s’imposer comme une sous-culture légitime en Occident. Cette recherche a marqué un tournant décisif dans mon parcours : elle m’a révélé à quel point le Rap français, et plus largement la culture Hip-Hop, constitue un terrain fertile, mais encore largement sous-estimé par la recherche académique.
Fort de cette conviction, j’ai intégré un master en Sciences et Cultures du Visuel (SCV) pour approfondir mes outils d’analyse. Ce cursus pluridisciplinaire, croisant sociologie, sémiologie, histoire de l’art et sciences cognitives, a contribué à élargir mon regard sur les objets culturels contemporains. Mon mémoire de master a prolongé ma réflexion sur la Drill en s’intéressant à l’esthétique des pochettes d’albums, questionnant comment ces visuels traduisent une identité culturelle singulière tout en s’inscrivant dans des stratégies esthétiques distinctes. Ces recherches, enrichies par des échanges avec des artistes et des acteurs du mouvement, ont révélé les contours d’une esthétique propre à la Drill française, caractérisée par ses hybridations culturelles et ses ancrages locaux.
Aujourd’hui doctorant au laboratoire Gériico, mon sujet de thèse, intitulé Le "Fait Masqué" dans le Rap Français : Identités, Stratégies et Esthétiques, s’inscrit dans cette continuité. J’explore les implications esthétiques, sociales et stratégiques du port du masque par les rappeurs français, en m’intéressant notamment à des figures comme Kalash Criminel ou Kekra. Le port du masque, loin d’être un simple accessoire, redéfinit les interactions entre artistes et publics, tout en transformant les codes communicationnels du Rap. En confrontant cette pratique à des figures masquées d’autres genres, comme Daft Punk dans l’électro, mes recherches montrent comment le masque prend un sens nouveau dans un univers ancré dans les réalités sociales contemporaines, où il devient à la fois outil de protection, symbole identitaire et stratégie médiatique.
Ma démarche théorique s’appuie sur la pop philosophie de Deleuze et Guattari, dont les concepts de "rhizome" et de "territorialisation" me permettent d’analyser les réseaux d’interconnexion et de fluidité propres à ces pratiques artistiques hybrides. Ces cadres théoriques dialoguent avec une réflexion critique sur l’évolution de l’art à l’ère capitaliste, où les frontières des conventions artistiques sont sans cesse redéfinie par des logiques de production et de diffusion mondialisées. L’univers numérique, des plateformes de streaming aux réseaux sociaux, agit ici comme un catalyseur, redéfinissant les normes esthétiques et façonnant les relations entre artistes, publics et industries culturelles.
Pour appréhender cette richesse, ma méthodologie combine ethnographie in situ, socio-pragmatique des discours et sémiotique visuelle. Cette approche éclaire les multiples dimensions d’une pratique artistique profondément ancrée dans les réalités sociales tout en explorant ses ramifications esthétiques et stratégiques. Ce doctorat est bien plus qu’un projet de recherche : c’est une aventure intellectuelle et introspective, où se mêlent mon désir de transmettre et ma passion pour des objets culturels souvent marginaux. À travers mes travaux, je vise à contribuer à une meilleure compréhension des imaginaires contemporains et des dynamiques culturelles qui façonnent nos sociétés.
Au plaisir de partager cette aventure intellectuelle et d’échanger autour de thématiques aussi riches que captivantes, qu’il s’agisse du Rap français, de ses innombrables nuances ou, plus largement, des multiples facettes de notre société et de ses productions artistiques.s