Portrait de Marine Thomas
Doctorants
L’idée de faire des longues études me vint tardivement. Petite fille, je souhaitais en effet devenir agricultrice. Au fur et à mesure des années, la lecture de bandes dessinées franco-belges (que « j’empruntais » discrètement dans la chambre de mon frère) nourrit de plus en plus un intérêt certain chez moi pour ce médium tandis que la fréquentation hebdomadaire du bibliobus puis de la bibliothèque municipale locale entretint mon amour pour les ouvrages de fiction et les lieux dédiés à la documentation et au(x) savoir(s).
A l’âge de vingt ans, après l’obtention de mon bac scientifique ainsi qu’un passage de deux années dans le monde professionnel, je m’inscrivis alors en licence d’histoire avec une spécialité en documentation à l’Université d’Artois. Ce fut une révélation. Je me pris de passion pour les sciences de l’homme et de la société, pour ce qui relie les groupes humains entre eux, les met en mouvement, ainsi que les différentes façons dont ils tentent de donner sens à leurs existences, et ce au fur et à mesure du temps. Parallèlement, les cours d’infodocumentation contribuèrent à compléter ce tableau universitaire. C’est tout logiquement alors que je me laissai absorber par les études. Mes résultats suivirent, et je m’inscrivis en master MEEF Documentation à Lille pour devenir professeure documentaliste.
C’est durant ce master que l’idée de la thèse fit son chemin. Cultivant toujours un goût pour l’étude des rapports qu’entretiennent les groupes humains au fil du temps, et après m’être investie plusieurs années au cours de mon travail salarié dans des clubs portant sur la bande dessinée avec quelques collégien·nes, mon sujet de thèse prit progressivement forme, nourri également par divers événements frappant le monde de la bande dessinée en 2015 et 2016, événements ayant mis en exergue certaines dynamiques genrées dans ce secteur médiatique et artistique. La rencontre de Béatrice Micheau fut également décisive : elle me fit découvrir des auteur·ices travaillant sur les « technologies du genre » (De Lauretis, 2007) et représenta le précieux lien m’ayant amenée à Marion Dalibert, ma co-encadrante. La rencontre de Stéphane Chaudiron fut également un moment important, me permettant aujourd’hui de bénéficier de ses précieux conseils pour la bonne marche de mon doctorat. Bien entendu, d’autres personnes, tant à l’université qu’en dehors (à commencer par mon compagnon, mes ami·es et mes parents), ont également été importantes dans mon parcours professionnel et étudiant. Ainsi, bien avant d’être une aventure personnelle, c’est d’abord une aventure collective qui s’est jouée à travers mon entrée en doctorat.
D’aventure, c’est d’ailleurs bien de cela dont parlera ma thèse. En effet, mon sujet porte sur les bandes dessinées d'aventure franco-belges et sur les représentations de la ou des figure(s) de l'aventurier·e en leur sein. Plus spécifiquement, ma question de recherche est : Comment la figure humaine et héroïque de l’aventurier et/ou de l’aventurière se construit-elle en interaction et au sein d’un système de représentations de masculinités hétérogènes et mouvantes typées, marquées par des continuités et des ruptures jalonnant la bande dessinée d’aventure non comique de 1930 à 2021, via les séries d’albums produites par les maisons d’édition franco-belge hégémoniques que sont Le Lombard, Casterman, Dupuis et Dargaud ? La bande dessinée sera alors comprise en tant que médium dans sa dimension sociale, notamment comme médiation spécifique entre un public et le monde. Ces analyses permettront de repérer les sociotypies, les continuités, les évolutions et les ruptures représentationnelles au fur et à mesure du temps. Elles intégreront une dimension intersectionnelle prenant pleinement part à l'analyse et rentrant donc dans une démarche constructiviste.
Concernant mon avenir, comme beaucoup, j’aimerais le voir en tant qu’enseignante-chercheuse, même s’il est compliqué de l’assumer dans un contexte particulièrement compétitif pour l’obtention d’un poste.