Conformément au diagnostic produit par l’unité, le GERiiCO entend confirmer les options retenues dans le précédent contrat en retenant sept priorités :

  • la préservation et la valorisation des différentes sensibilités scientifiques (objet, champs et méthodes de recherche en SIC) qui, par leur conjonction au sein d’une même unité, incarnent localement l’unité et la diversité des SIC ;
  • l’encouragement à une recherche transversale aux différents axes scientifiques définis par le laboratoire comme « lectures » et non pas seulement comme « objets » de recherche ;

  • la participation active de l’unité aux programmes régionaux relevant des principales instances politiques et scientifiques de la recherche et développement des partenariats avec les acteurs de son environnement socio-économique ;

  • l’assistance aux collègues pilotes de projets scientifiques portés par le laboratoire ;

  • la contribution de l’unité à la formation par la recherche en SIC et à son accessibilité ;

  • le renforcement des effectifs de l’unité et la mobilisation optimales des compétences pour la recherche et son encadrement ;

  • l’accompagnement collégial des doctorants, en complément des dispositifs préexistants (encadrement de recherche, formation doctorale et séminaires de laboratoire, comités de suivi) ;

  • l’élargissement d’une ouverture internationale: soutien prioritaire aux projets scientifiques internationaux, encouragement à la publication anglophone et à la mobilité (entrante et sortante) des chercheurs.

L’unité des SIC à l’Université de Lille 

Le laboratoire GERiiCO entend rester l’unité scientifique de référence en SIC au sein du nouvel établissement, quel que soit le périmètre disciplinaire des composantes (UFR) en cours de restructuration. Conformément à son projet originel, l’unité veillera à maintenir dans son propre périmètre disciplinaire les domaines et objets de recherche qui fondent son identité plurielle en information, communication et culture.

Considérant les axes du laboratoire, ceux-ci sont conservés à l’identique du précédent contrat en ce qu’ils garantissent cette diversité en évitant le double écueil de la dispersion et d’une atomisation des objets.

La plus grande attention sera portée aux équilibres dans une politique scientifique où l’encadrement par un.e directeur.trice de recherche doit être garanti pour chaque projet de recherche doctoral et mobilisable pour le dépôt et l’accomplissement de tout autre projet de recherche. Autant que faire se peut, et pour contribuer à leur professionnalisation ainsi qu’à leur promotion, les collègues MCF seront sollicité.e.s en qualité de co-encadrants des doctorants inscrits dans l’unité, sous la forme de binômes MCF HdR (ou PR)-MCF.

Quatre axes transversaux pour un projet émergent sur la période 2018 - 2023 : « matérialité, représentations, expérience »

En quatre axes structurant la recherche au GERiiCO, l’unité réaffirme sa capacité à allier des problématiques qui, dans l’espace public ou dans la sphère professionnelle, en appellent aux artefacts info-communicationnels, au questionnement de leurs enjeux, de leurs usages et de leur agentivité.

Le concept de « dispositif », a été maintes fois questionné au sein du laboratoire (à l’exemple du séminaire de spécialité 2010-2011) et problématisé dans ses implications politiques, organisationnelles, médiatiques, culturelles, éducatives, etc. Pourtant, que savons-nous des « régimes de matérialité » à l’œuvre dans nos communications modernes ? Quels regards portons-nous sur ces objets et autres interfaces qui réifient autant nos échanges qu’ils servent l’idéal (ou l’idéologie) d’une dématérialisation ? Les dispositifs info- communicationnels peuvent être ici analysés, en tant qu’ils constituent des artefacts, à partir de leurs formes objectales comme aussi des usages, pratiques et discours qu’ils obligent ou permettent, contraignent ou facilitent. Il ne s’agit pas tant de savoir à quoi servent les objets que de comprendre comment ils jouent un rôle actif dans les processus sociaux (Hoskins, 20062). Tandis que des dispositifs de « gouvernementalité », à l’exemple des «architextes» (selon Jeanneret et Souchier), performent l’activité dans des champs et contextes multiples de pratiques et de décisions professionnelles (cf. axe 1), de nouveaux objets servent également la médiation et la médiatisation (cf. axe 2), l’organisation et la circulation des connaissances (cf. axe 4). Ainsi les pratiques d’écriture, y compris scientifiques, donnent-elles lieu à de multiples médiations techniques qui en affectent les formes. Le fantasme d’une écriture « sans trace et sans mémoire » est démenti par une rematérialisation (Chartier, 20083), voire une « matérialité au carré » (Jeanneret, 20074) renvoyant à des enjeux de pouvoir que quelques acteurs se disputent. L’analyse des dispositifs numériques dans les processus de communication accorde une place importante à leur matérialité technique et sémiotique. Alors que le numérique donne l’illusion d’une disparition du support au profit d’une visibilité accrue des contenus, l’approche par la matérialité réhabilite, d’une part, l’analyse des circulations sociales comme processus de transformation des informations (et non de leur seul transport ou mise en forme). Elle consiste, d’autre part, à saisir un processus de signification d’usages (cf. axe 3) qui ne passe pas par de simples mots mais par la prise en compte de ce que les personnes font de l’outil et en interprètent à partir de leurs pratiques et de leurs contextes d’activités.

Les représentations ne sont pas étrangères aux artefacts dès lors que ceux-ci rendent présente — accessible, visible ou intelligible — une réalité qui ne le serait pas sans la médiation et la médiatisation qui lui donnent formes, figures et sens (cf. axe 2). Il en va des processus socio-discursifs et sémiotiques de construction de groupes sociaux ou de territoires comme aussi de la figurabilité de savoirs, de valeurs ou de données réputés abstraits, incommensurables ou intangibles, Au demeurant, l’environnement numérique, longtemps attaché à l’idée de dématérialisation, se révèle paradoxalement un espace de concrétisation, objectivation et pérennisation des données symboliques ; ce qui confirme leur statut de produits matériels parmi les autres produits matériels. Foncièrement aliénables, elles peuvent aussi être détournées de leur contexte originel de production.

Le concept d’expérience(s) fait l’objet d’une valorisation sociale importante dans les sphères du travail et des organisations si l’on considère, notamment, les enjeux des dispositifs (langagiers, institutionnels, pratiques) qui lui sont associés. Les changements organisationnels, technologiques sont aussi affaire d’expérience, entendue comme « ce qui arrive au sujet et ce qui arrive à l’environnement dans leurs rapports réciproques par la médiation de l’activité » (Zeitler et Barbier, 20125, 107) ou dans son sens étymologique : « connaissance acquise par la pratique » (ibid, 109). Ce qui est mis en question ou encore ce qui est mis en jeu dans le changement, c’est bien l’expérience. C’est d’ailleurs ce que met en évidence la recherche en information et communication dans les organisations (axe 1) lorsque les écrits professionnels sont saisis comme activité de mise en sens du monde ou activité de légitimation professionnelle (Delcambre et Matuszak, 20176). Et l’on a pu observer à quel point les transformations juridiques et gestionnaires modifient les cadres à partir desquels l’agir professionnel fait sens, comment elles affectent les identités de métiers, et met en cause l’expérience des acteurs. Indéniablement, il y a dans les processus de professionnalisation et de déprofessionnalisation, étudiés sur plusieurs terrains, un lien fort avec l’expérience, touchée particulièrement par les transformations, potentiellement déconstruite. Et c’est sans doute l’un des effets de l’accélération, qu’analyse H. Rosa, de ne plus permettre aux individus de se fier à leur expérience pour anticiper une ligne d’action avec l’assurance de pouvoir atteindre des buts, ou de saisir des finalités. Et qu’en est-il du développement des technologies d’information et de communication sur l’expérience (tant en raison de leur participation à cette accélération qu’en raison de leur capacité à se substituer à l’homme dans certaines tâches... comme, aussi, leur rôle dans la construction de nouvelles capacités ? De là émerge en effet l’opportunité d’explorer la gouvernementalité des individus dans son rapport à l’expérience : l’expérience comme cible et effet de la gouvernementalité, à travers un processus de subjectivation adossé à des pratiques particulières : construire des habitudes/habitus alimentaires, devenir entrepreneur de soi...

Les nombreux travaux conduits par les chercheurs du GERiiCO en matière de patrimoine et de patrimonialisation témoignent aussi d’un intérêt constant pour les processus de mise en mémoire. Qu’il s’agisse de numériser de collections ou d’informatiser des traces mémorielles, de travailler aux ontologies documentaires et à leur visualisation, d’accompagner et d’expérimenter des dispositifs de médiation culturelle, les artefacts (documentaires, éditoriaux et muséographiques) ouvrent la voie à des innovations auxquelles les chercheurs contribuent à titre d’observateurs et/ou de concepteurs.

L’espace public est également pensé comme endroit de pratiques et comme lieu de visibilité de l’expérience individuelle et collective (cf. axe 2). L’objectif est en effet de comprendre comment se façonnent des espaces publics en étudiant la manière dont se forme l’« expérience » des médias et des dispositifs de médiation à l’aune d’une diversité de pratiques d’acteurs de terrain. Ainsi, en différenciation des oppositions théoriques et normatives classiques, une telle approche conduit à envisager les espaces publics comme des formes contingentes et situées, et à les étudier dans leur dimension expérientielle (à l’aune des transformations de l’espace public urbain, concernant les processus de patrimonialisation ou à partir de l’étude des dispositifs de médiation dans le secteur des industries culturelles, de l’éducation aux médias, des bibliothèques, etc.). Méthodologiquement, cette approche expérientielle des pratiques repose sur des observations et enquêtes ethnographiques de terrain en situation, enquêtes par lesquelles, du reste, se révèle de manière plus spécifique la diversité des espaces publics.

La prise en compte de l’expérience dans l’étude des situations de communication en contextes d’innovation permet, enfin, de redonner une place aux usagers qui ne soit pas restreinte à une culture technique mais ouverte aux dimensions sociale et culturelle des pratiques. Dans le cadre de dispositifs innovants, l’expérience devient aussi un cadre méthodologique à partir duquel l’analyste construit la situation par laquelle il va faire advenir des « primo-usagers ». Une telle démarche de recherche consiste à favoriser l’expérience des usagers (au-delà du test de la fonctionnalité des outils) en sollicitant leurs capacités à comprendre, à interpréter et à inventer des situations et scénarios d’usages.

Il nous semble que ces éléments expriment l’émergence possible de recherches à venir dans l’unité et ouvrent la voie à d’autres programmes scientifiques transversaux. L’appareil théorique et méthodologique des sciences de l’information et de la communication peut permettre — dans la continuité de nombreux travaux dédiés à l’analyse de l’activité, à la médiatisation, aux archives, au patrimoine et à la médiation culturelle — de saisir l’objet comme trace d’une mémoire individuelle et collective. Objet-trace des processus de cristallisation de mémoires : récits, protocoles, héritages conservés et transmis. De la « vie sociale des choses » au « matérialisme numérique », nous ne préconisons pas un « tournant matériel » de la recherche au GERiiCO, mais un questionnement commun sur les matérialités à l’œuvre dans la diversité de nos objets de recherche, en-deçà ou au-delà de leurs problématisations.